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Channel: Commentaires sur : Agrocarburants industriels : pas de nourriture dans nos voitures!
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Par : dutheil

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Nullement admiratif de qui que ce soit, ou d’une théorie à la mode, économique ou des sciences sociales en général. Seulement très régulièrement désemparé face à la complexité des questions qu’on peut soulever, rien qu’avec les premiers éléments que peuvent nous apporter notre intuition, nos connaissances du quotidien ou la compilation des opinions à notre portée. A partir d’une première recherche complémentaire ça devient effarant d’imbroglios, rien qu’à partir des échelles de raisonnement, spatial, temporel et spatio-temporel. Ce dernier angle d’attaque me servira pour donner mon opinion, et non un discours dogmatique, ou ressenti comme tel.

Au -delà de l’anti malthusianisme des géographes, posture trop majoritaire dans la discipline à mon goût, on peut raisonnablement croire que la transition démographique va concerner un nombre croissant d’Etats dans le monde, c’est-à-dire où s’observera un croisement des courbes de mortalité et de natalité avant que cette dernière ne s’avachisse à un rythme économiquement tenable. Au-delà du dogme ricardien de spécialisation, de division internationale du travail, cantonnant les Suds hors de l’économie de l’intelligence, et au-delà des craintes justifiées de ce que peut amener comme loufoqueries en termes d’impacts socio environnementaux un certain type de mondialisation, on peut espérer que celle-ci ne fera pas obstacle à la transformation nécessaire dans les Etats les plus pauvres et/ou les plus mal « gouvernés ». Urbanisation croissante aidant on peut également voir un espoir dans leurs villes, si à leur échelle on peut pallier aux insuffisances et aux défaillances du centre politique national, se lancer dans une activité économique endogène plus ou moins soustraite au marché mondial (services aux populations : éducation, santé, aménagements…). Enfin rien qu’avec un pas de temps de quelques décennies, en termes démographiques on peut croire à l’installation d’un scénario pas trop tragique: voici en lien la représentation graphique que je viens de réaliser sur Excel pour le nombre de filles par femme sur le continent africain, « observé » avec toutes les limites de l’appareil statistique des Etats de la zone il faut en convenir, et les projections d’ici la fin du siècle

http://www.fichier-pdf.fr/2013/06/23/volution-du-nombre-de-filles-par-femme-continent-afrique/

Un premier enseignement à tirer : une inflexion de tendance jamais infirmée depuis maintenant plus de 30 ans. Donc gardons-nous d’une représentation de phénomènes trop vite catalogués comme sans espoir de changement favorable.
Ce qui reste affolant c’est l’inertie des phénomènes démographiques à partir de la composante stock des populations: pour ce qui concerne le continent symbole du dynamisme démographique les effectifs de population en âge d’enfanter resteront longtemps surreprésentés, une représentation graphique sous la forme de pyramide des âges serait plus expressive. Inertie mais là aussi sans qu’il s’agisse encore de verser dans le déterminisme catastrophiste: rien d’interdit de penser aux réponses des sociétés africaines des années 2020, 2030 ou que sais-je qui verront modifier leurs représentations individuelles, leurs constructions sociales, idéelles et politiques, leur type d’organisation économique, leur gestion urbaine, leur intégration à une nouvelle donne géopolitique mondiale ou intercontinentale… bref que la nouvelle donne ne survienne anthropologiquement par réponse adaptative au grand dam de nos statisticiens démographes. Lesquels sont très forts avec leur rigueur intellectuelle, leur maîtrise du calcul, mais restent toujours imprévoyants des inflexions dont les choix individuels et collectifs mutuellement influencés sont l’origine.

Qu’un premier réflexe nous renvoie vers les besoins physiologiques de la population planétaire quand il s’agit d’agro carburants est une bonne chose. Considérer qu’avec des produits ou sous produits agricoles il y a une obscénité à remplir les réservoirs d’automobilistes obèses, car peu pratiquants des modes de déplacements actifs, alors que des milliards de terriens sont victimes de sous nutrition ou de mal nutrition contribue à alimenter (!) une image symbolique qui me plaît. Cependant ne jouons pas les curés en pantalons et tâchons de voir où sont les véritables dangers parmi ceux dont on a une assez bonne connaissance, ou la moins forte ignorance. Au-delà encore de la trop facile culpabilisation en direction des carnivores et de leur piètre bilan agro protidique, là encore en apportant un tempérament avec la viande de porc ou de poulet en agro système polyculture/élevage, voyons de quel type d’agriculture on parle: que ce soit de l’agro carburant – viscéralement antipathique à mes propres yeux – de la culture correspondant aux produits qu’on s’échange sur le marché mondial – céréales, huiles, graisses et protéagineux – recouvrant un tout petit nombre d’espèces, ou encore que ce soit des produits carnés issus des précédents, il s’agit dans tous les cas d’une agriculture qui compromet très rapidement sa pérennité et celles des hommes qu’elles est censée « servir ». En effet les pratiques culturales standardisées diffusées et appliquées dans les Etats à l’agriculture susceptible de se brancher sur le marché mondial contribuent puissamment à la disparition du sol, premier outil de production agricole. Ne parlons pas de tout ce qu’on reproche légitimement à ce type d’agriculture en termes d’impacts environnementaux, contentons-nous d’une recension à la 6-4-2: polluante pour l’air, les sols et les produits – « fabriqués » et consommés -, pauvre et appauvrissante pour la biodiversité, inesthétique, extrêmement inefficiente énergétiquement – dont le bilan des agro carburants, quelque soit leur « génération » -, stupide de simplisme agronomiquement…

Revenons à nos réservoirs pour ne pas être accusé de plagier feu Chavez dans la longueur du discours – ça les réservoirs y avait pas trop de difficulté à les remplir… – et centrons-nous sur ce qu’il y aurait de plus intolérable avec ces agro carburants. Il me semble qu’on devrait revenir à Henri Lefebvre*, en particulier ce qui peut se réaliser chez les automobilistes, leurs représentations, par la projection au sol de l’idée qu’ils se font du territoire, de l’espace public en ville. Inutile ici de rappeler ce que nous coûte en termes d’emprises ce type de mobilité. C’est à cause de mon filtre cognitif, de mon regard biaisé de « géographe écolo » que je verrais dans les agro carburants, leur système politico-économique et leur principal débouché, le transport routier individuel et de marchandises, un scandale renvoyant à une multiple empreinte écologique. C’est-à-dire « l’empreinte écologique grise » attachée aux intrants classiques entrant du champ au réservoir – pesticides, énergie, transports, impacts indirects non internalisés… –, l’empreinte écologique à l’usage, au débouché, à la combustion, enfin l’empreinte pernicieuse, celle que nos yeux exercés s’attachent à dénoncer dans la mesure de nos possibilités : infrastructures, étalement urbain, coupures, substitution par rapport aux autres modes de déplacement. Piètre consolation, nous renvoyant à la situation absurde d’Ivan Denissovitch, trouvant un semblant de condition humaine dans le travail consistant à construire la clôture du camp qui l’enferme, l’espoir de voir l’absurdité des systèmes totalitaires se neutraliser mutuellement : une offre routière dévorant par l’emprise de ses infrastructures ce qui pourrait servir à se propulser, cette terre agricole autrement que nourricière …

*En référence à Henri Lefebvre, au colloque de Royaumont en mai 1968, où il décrit la ville comme une société projetée sur le sol ; in « Henri Lefebvre. Le droit à la ville. Vers la sociologie de l’urbain », de Laurence Costes, Ellipses, 2009


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